1. Mes disciples furent sans doute les premiers à s’endormir, et les Romains aussi étaient las ; chacun se fit un oreiller de ses mains, s’appuya sur la table et s’endormit comme dans un lit moelleux. Quant à notre Murel et à Philopold, ils ne s’endormirent point, mais allèrent un peu à l’écart et s’entretinrent pendant tout ce temps de ce qui était arrivé.
2. Notre Mathaël vint les rejoindre et dit : « Il m’est impossible de dormir après tout ce que j’ai vu et vécu ici en deux jours successifs. Songez donc, il y a trois jours encore, j’étais possédé par une légion de diables, et, certes tout à fait à mon insu, sans doute le plus redouté des bandits de grand chemin !
3. Là où l’on croyait que j’étais, nulle caravane ne s’aventurait à passer, et celui qui tombait entre mes mains ne passait pas son chemin sans dommage !
Et à présent, je suis le gendre du roi Ouran, corégent de ce grand royaume pontique qui va jusqu’au royaume des Scythes, et qui s’étendrait du Pont à la mer Caspienne, par-delà une grande montagne.
N’est-ce pas là une merveille des merveilles ?! Oui, il se passe ici des choses dont aucun homme ne saurait avoir idée en aucun autre lieu de la terre !
4. Mais une grande question se pose encore, qui est tout simplement celle-ci : cela sera-t-il compris et préservé par les hommes qui vivent dans des lieux très éloignés d’ici, ou par ceux qui vivront loin de nous dans le temps ?
Car cette doctrine a beau être en soi très pure et très vraie, on là tiendra sans doute pour la parole d’un grand prophète — mais quant à admettre que c’est Dieu Lui-même qui S’est incarné pour enseigner cela aux hommes, ce sera là un dogme bien difficile à maintenir, d’autant qu’il est en quelque sorte le fils naturel d’une certaine Marie, devenue plus tard l’épouse d’un charpentier nommé Joseph !
Ces choses-là se savent déjà communément dans le peuple, et il sera difficile de donner à ce même peuple le sentiment de cette humanité du Seigneur, bien qu’il n’y ait plus le moindre doute à ce sujet en ce qui nous concerne.
5. Nous sommes pleinement convaincus qu’à la seule exception de Sa forme extérieure, il n’y a rien en Lui de l’homme de nature tel que nous le sommes nous-mêmes ; Il est Dieu, corps, âme et esprit !
Car on peut bien dire qu’en Lui demeure la plénitude de la divinité, même corporellement, puisqu’il n’a qu’à vouloir une chose pour qu’elle arrive à l’instant !
6. Cependant, la preuve la plus grande et la plus tangible de Sa divinité réside dans Sa parole, et dans le fait qu’il a constamment à Son service un ange qui accomplit aux yeux de tous des actes bien plus inexplicables encore pour les mortels que ce que Philopold nous a révélé du monde des étoiles fixes.
7. Bref, pour nous qui le voyons, tout cela relève très clairement de l’extraor[1]dinaire le plus sacré ; car nous en avons en surabondance les preuves les plus criantes !
8. Mais il ne pourra en être partout et toujours ainsi. Et je remarque qu’ici même, malgré toutes ces preuves criantes, beaucoup ont déjà peine à concevoir et à comprendre la nature divine du Seigneur ;
j’ai d’ailleurs remarqué que pour ce qui est de reconnaître le Seigneur et Sa magnificence purement divine, la parole d’explication fait merveille bien davantage que les miracles les plus criants.
Il semble que la raison en soit celle-ci : notre époque est si bien accoutumée aux prodiges, vrais ou faux, mais toujours mystérieux, qu’ils ne forcent plus tellement notre étonnement.
9. C’est surtout depuis les quelque soixante années que les Romains sont devenus nos maîtres que l’on voit proliférer les mages et les faiseurs de miracles !
Celui qui n’a ni connaissance ni expérience de la magie secrète met aujourd’hui très facilement dans le même sac tous les prodiges et ne fait plus de différence entre le vrai et faux — il ne le pourrait d’ailleurs pas, car il lui manque les éléments pour en juger. Il s’ensuit donc tout naturellement qu’un prodige ne pourra jamais produire autant d’effet qu’une parole claire.
10. Bref, on en fait visiblement bien plus en éveillant l’entendement des hommes que par n’importe quel miracle ! » GEJ3 CH227 Chapitre premier (retour-du-christ.fr)