L’art de la vie

1. Après ce départ, nous fûmes conviés au repas et entrâmes alors dans une salle à manger qui n’avait pas sa pareille dans tout Jérusalem.

Au centre de la pièce se dressait une grande table en bois de cèdre, chargée de toutes sortes de mets et des meilleurs vins. Nous y prîmes place et nous mîmes à boire et à manger.

Car les pains que nous avions achetés auparavant n’étaient ni bons ni très gros, pas plus que les quelques poissons piètrement préparés — aussi n’en avions-nous mangé que fort peu.

2. On parla peu en mangeant ; mais bientôt, le bon vin ayant délié les langues, les convives commencèrent à s’animer autour de la table.

Cependant, Je ne parlais pas, car J’étais assis entre le fils ressuscité et son père, et ceux-ci éprouvaient un trop grand respect envers Moi pour oser Me déranger tandis que Je mangeais et buvais.

3. C’est seulement quand Je dis que J’avais assez mangé et bu que le publicain Me demanda comment J’avais pu rendre la vie à un mort — chose qui ne s’était encore jamais vue sur cette terre.

4. Je lui répondis : « Ami, l’esprit humain comprend bien des mystères si on l’éveille comme il se doit, et, lorsqu’il est pleinement éveillé, il peut même percer le grand mystère de la vie et reconnaître qu’il est lui-même l’auteur de toute vie.

Mais le grand art de la vie consiste justement à se trouver et à se connaître soi-même comme tel !

5. Bien sûr, tu vis, penses et désires, puis mets en œuvre ce que tu as pensé et voulu ; mais tu ne sais pas ce qu’est la vie, comment elle pense et désire, et comment elle fait se mouvoir tous tes membres selon cette volonté.

Mais celui qui a trouvé toutes ces choses en lui-même et qui les connaît bien devient le vrai maître de sa vie comme de celle de ses semblables, et il peut alors faire lui-même ce que Je viens de faire pour ton fils.

Et il peut même davantage, puisqu’il peut se rendre parfaitement immortel !

6. Lorsque l’aveuglement, l’égoïsme, l’avidité, l’envie, la jalousie et le despotisme des hommes de ce temps feront que l’on Me prendra et même Me tuera, les méchants n’en tireront aucun profit ;

car, avant que trois jours se soient écoulés, Je Me ressusciterai Moi-même, puis vivrai éternellement et ferai de plus grandes choses encore qu’à présent. —

Ce que Je viens de te dire est aussi vrai et certain qu’il est vrai que ton fils Jorab était mort et qu’il est désormais tout à fait ressuscité. Le crois-tu ? »

7. Le publicain dit : « Je suis parfaitement convaincu que tu ne dis que la vérité ; car, tout d’abord, mon fils est vivant par la seule puissance de ton art secret de la vie, qui doit être un effet de ta science, et ensuite, les anciens sages grecs ont déjà établi de tels principes.

Quant à savoir si leur esprit avait pénétré comme le tien le grand mystère de la vie, je l’ignore, et ne me souviens pas d’avoir lu ou entendu dire quoi que ce soit là-dessus.

8. Nos légendes racontent certes maint petit miracle que nos dieux et nos demidieux auraient accompli ; mais quel homme doué d’un peu de raison peut croire de telles choses ? !

Dans les écrits mystiques, il est aussi beaucoup question d’un Dieu tout-puissant, mais qui serait entouré d’une foule innombrable de puissants esprits de toute nature qui œuvreraient sans cesse dans tout l’univers, exécutant très ponctuellement ses ordres.

Tout comme Dieu, ils seraient invisibles aux hommes, mais n’en posséderaient pas moins un entendement parfait et une volonté toute-puissante. Il y a bien des siècles, ils devaient se montrer aux hommes dévots de la même manière qu’aux anciens Grecs leurs dieux, et surtout leurs demi-dieux.

9. Lorsqu’on y songe calmement et sans prévention, on en conclut que les religions et les doctrines de vie des Grecs et des Juifs reviennent exactement au même.

Tout est environné d’opaques ténèbres, et, quelque peine qu’aient prise les plus grands sages de tous les temps, ils n’ont jamais pu soulever le fatidique voile d’Isis, et nous, mortels, sommes toujours devant le même nœud gordien inextricable que nos ancêtres, il y a des milliers d’années.

10. Tu serais donc bien le premier et le seul à avoir véritablement démêlé ce nœud, et c’est pourquoi je te demande, à toi qui es un vrai maître de la vie, de m’enseigner,

ou plutôt de nous enseigner à tous ce grand art grâce auquel on est assuré de découvrir et de connaître le mystère de la vie, et finalement d’en devenir soi-même le maître. Tu es à l’évidence parvenu jusque-là, aussi dois-tu bien connaître la voie et les moyens pour y parvenir.

Et si tu les connais, tu nous accorderais une immense faveur en acceptant de nous les expliquer plus avant.

11. Il est vrai que cette supplique, adressée à un si grand artiste, est extraordinairement audacieuse de ma part,

puisque tout véritable artiste considère nécessairement son art comme son bien le plus cher, et que je sais fort bien que tout art, si grand soit-il, perd beaucoup de sa valeur dès lors qu’il devient d’usage courant chez les hommes ;

mais ton art semble être une nécessité tout à fait vitale, au moins pour les meilleurs d’entre les hommes, et la résolution de ce problème serait pour eux le bonheur le plus grand et le plus inestimable de toute leur vie,

aussi te donnerais-je bien les trois quarts de mes grandes richesses si, pour le bien de l’humanité, tu nous donnais seulement quelques avis sur la manière de percer à coup sûr ce mystère.

À l’évidence, tu n’y perdrais rien, et nous y gagnerions infiniment ! — Que dis-tu, grand maître, de la proposition que je te fais là ? » GEJ6 CH85  untitled (retour-du-christ.fr)

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