Zorel se découvre lui-même

1. Je fais signe à Zinka, et il s’approche aussitôt de Zorel et lui dit : « Frère, le Seigneur, qui est tout-puissant, plein de compassion, de bonté, d’amour et de sagesse, veut que je te guérisse par la seule imposition de mes mains pleines de force de vie.

Ne crains rien, mais aie confiance et deviens ensuite un autre homme, et rien ne te sera caché de ce qui peut te permettre d’atteindre le véritable salut de ton corps et de ton esprit !

Si tu le veux et si tu me fais confiance, à moi ton véritable ami et frère, laisse-moi poser mes mains sur toi ! »

2. Zorel dit : « Ami, avec un langage si loyal, tu peux m’envoyer au Tartare, et j’irai ! Quoi qu’il en soit, pose tes mains véritablement fraternelles sur moi, où tu le veux et comme tu le veux, et je ne résisterai pas ! »

3. Zinka dit : « Très bien, alors, assieds-toi sur ce banc, et je ferai affluer en toi la force de Dieu ! »

4. Zorel dit : « Quel dieu est-ce donc ? S’agit-il de Zeus, d’Apollon, de Mars ou de Mercure, ou bien de Vulcain, de Pluton, de Neptune ? Je t’en prie, laisse Pluton en dehors de cela ; car je n’aimerais vraiment pas être traversé par sa force ouraganesque ! »

5. Zinka dit : « Laisse là des dieux qui n’ont jamais existé que dans l’imagination d’hommes depuis longtemps aveugles ! Il n’y a qu’un seul vrai Dieu, et c’est le grand Dieu inconnu de vous, dont vous avez certes, vous païens, édifié partout le temple, mais sans l’avoir pour autant reconnu.

Mais il est temps à présent que vous appreniez vous aussi à connaître cet unique vrai Dieu ! Et, vois-tu, c’est par la grâce et la force de ce Dieu que tu vas maintenant être traversé pour ton salut lorsque je t’imposerai les mains ! »

6. Zorel dit : « Ah, s’il en est ainsi, impose-moi les mains tout de suite de la façon que tu dois bien connaître ! »

7. Zinka pose alors ses mains sur Zorel de la manière dite, et aussitôt, Zorel tombe dans le sommeil extatique.

8. Au bout d’un grand quart d’heure, Zorel, qui d’ailleurs dort profondément et a les yeux bien clos, se met à parler ainsi : « Ô Dieu, ô Dieu, quel homme mauvais et misérable suis -je donc, et quel homme honnête et droit pourrais -je être pour peu que je le veuille !

Mais c’est précisément là la malédiction du péché, du mensonge et de l’orgueil, qui sont vraiment tous deux les plus grands péchés, car ils ne cessent de croître et de se multiplier comme l’herbe sur la terre et le sable dans la mer !

9. Ô Dieu ! Mon âme porte tant de péchés et de souillures qu’à cause de ces péchés, je ne vois plus ma peau ; oui, je suis maintenant caché par la foule de mes innombrables péchés comme par une fumée ou un brouillard très épais !

10. Ô Dieu, ô Dieu, qui pourra jamais me libérer de mes péchés ? Je suis un fieffé voleur, je suis un menteur, et plus je mens, plus je dois mentir encore pour conforter l’ancien mensonge par un nouveau et le faire passer à tout prix pour une vérité. Ô méprisable chien de menteur que je suis !

Tout ce que j’ai, je ne m’en suis emparé que par le mensonge, la tromperie, le vol caché ou public !

11. Bien sûr, dans mon grand aveuglement, je ne considérais pas tout cela comme un péché, mais j’ai aussi souvent eu l’occasion de me rendre à la vérité. Pourtant, je ne voulais pas me laisser convaincre !

J’appelais toujours à mon aide Sparte et Licurgue, et j’ai toujours méprisé les sages lois de Rome ! Oh, je ne suis qu’un 80 vulgaire gredin !

12. Enfin, une seule chose me console maintenant, c’est que je n’ai encore tué personne ; mais il ne s’en est pas fallu de beaucoup ! Si ma servante n’avait pas filé avant mon retour, elle aurait été la triste victime de ma diabolique colère !

13. Oh, je suis vraiment un monstre abominable ! Je suis plus méchant que le loup, plus méchant que le lion, plus méchant que le tigre, plus méchant que la hyène, bien plus méchant que le loup et encore bien plus méchant que le sanglier !

Car j’ai aussi la ruse du renard, et cela achève de faire de moi un vrai diable travesti !

14. Oh, mon âme est bien malade, et toi, frère Zinka, tu auras du mal à me guérir, si tu y parviens !

15. Il est vrai qu’il semble maintenant faire plus clair en moi, et la fumée ou le brouillard qui m’entourent deviennent moins épais ! Vrai, ils se font plus légers, et j’ai l’impression que je respire mieux ;

mais dans cette plus grande clarté, je vois d’autant mieux ma véritable forme disgraciée, couverte de toutes sortes de lèpres, de bubons et de tumeurs répugnantes !

Ah. ah, je ressemble vraiment à un monstre ! Où est le médecin qui me guérira ? Mon méchant corps est certes en bonne santé ; mais ma santé à moi, l’âme, ne dépend pas de ce méchant corps !

16. Ô Dieu, si quelqu’un pouvait voir mon âme, il s’épouvanterait de sa trop grande laideur ! Plus il fait clair autour de moi, plus mon âme paraît hideuse ! Frère Zinka, n’y a-t-il pas moyen de donner à mon âme une apparence un peu meilleure ? » GEJ4 CH48 GEJ4.pdf (retour-du-christ.fr)

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