1 Toutefois, quelques instants après, Martin s’adresse à nouveau au Dragon et dit: « Écoute, toi, incorrigible destructeur de toute vie, semeur de confusion, triste héros du néant spirituel et porteur impitoyable de mort aux pauvres âmes, tu parles bien comme la sagesse personnifiée; mais ce qui te pousse à le faire n’est pas ta volonté, mais bien plutôt ton incompétence, dont tu te sens pénétré de part en part en présence de la puissance infinie du Seigneur. Si tu étais libre, – et je parie mille vies que j’ai raison – tu parlerais tout à fait différemment.
2 Bien sûr que tu fus le premier et le plus grand des esprits conçus par Dieu, esprit plein de lumière et de clarté. Ta puissance s’étendait à travers tous les espaces et ton éclat était semblable à celui de l’œil de Dieu.
Mais je sais aussi que Dieu ne t’a pas sorti de Lui-même pour que tu tombes comme tu t’obstines à le faire depuis des éternités, mais bien pour que tu parviennes à la résurrection suprême de la Vie en toute liberté, ainsi qu’à la plus haute félicité.
3 Dis-moi – pourquoi ne te trouves-tu pas au niveau où tu devrais être selon la Volonté de Dieu? Pourquoi t’opposes-tu à Lui de façon constante et des plus rudes?
Pourquoi préfères-tu t’obstiner à subir des tourments affreux plutôt que de bénéficier de l’Amour éternel du Père et, tel un fils prodigue qui retourne au bercail, goûter en toute liberté à l’Amour infini et éternel de ce Père dans toute la perfection de Sa puissance? Parle, si ta sagesse te le permet! »
4 Le Dragon répond: « Vois-tu, Martin, les questions que tu me poses sont de loin plus raisonnables que les précédentes et font honneur à ton entendement. Elles contiennent des éléments qui méritent une meilleure réponse! Mais sache que, avant de répondre à des questions qui vont chercher jusqu’au tréfonds de mon être, je mets tout d’abord mon interlocuteur à l’épreuve, afin de voir s’il est capable de comprendre ce que je vais lui dire!
5 C’est pourquoi je prie le Seigneur, s’Il veut que je te réponde, de m’accorder entière liberté juste pour un court délai. Je me porte hautement garant de ne faire aucun mal, ni à toi, ni à quiconque!
Si tu sors victorieux de l’épreuve, je veux bien répondre à chacune de tes questions. S’il n’en est pas le cas, ce sera le signe que tu n’es encore longtemps pas mûr pour être confronté à une sagesse aussi profonde que la mienne. J’ajouterai encore que je ne te mettrai à l’épreuve que si tu persistes à obtenir une réponse de ma part. Décide-toi maintenant! »
6 Ici, Martin s’adresse à nouveau à Moi et Me demande ce qu’il doit faire.
7 Je lui dis: « Celui qui commence un travail doit aussi le terminer; c’est la première règle de Mon ordre qui régit la vraie Vie. Mais, Je te le recommande: sois fort! Car cet esprit est infiniment rusé et ses pièges sont des plus raffinés! »
8 Me retournant vers le Dragon, Je lui dis: « Tu es libre pour quelques instants; n’abuse pas de cette grâce!»
9 Au même moment, l’affreuse cuirasse du Dragon tombe en poussière et il en émerge la plus parfaite créature féminine qui soit – d’une beauté si incomparable que toutes les beautés du Soleil ne sont plus rien à côté d’elle!
Ses traits ont une douceur inimaginable, et la rondeur de ses formes est parfaite; il émane une noblesse de tous ses membres, et la délicatesse et la blancheur de sa peau n’ont pas leur pareille dans tout l’univers infini.
Le corps, d’une perfection inouïe, est parachevé par une tête dont la beauté majestueuse dépasse toute imagination!
10 A la vue de cet être aussi merveilleux, qui le regarde en plus de la plus aimable façon, Martin perd totalement la tête. Il l’entend lui demander de la voix la plus douce et harmonieuse qui soit:
11 Satana: «Eh bien, cher Martin, si tu le désires, je vais répondre à tes questions. Mais dis-moi tout d’abord: pourrais-tu m’aimer si je voulais t’aimer plus que ma vie? Pourrais-tu m’aimer, et par cet amour me sauver des affreux tourments que tu connais bien? O Martin, parle, parle!»
12 Là-dessus, notre Martin perd tout contrôle de lui-même. L’étonnement dans lequel il est plongé est tel qu’il ne parvient qu’à grand-peine à respirer. Les attraits inouïs de cette créature lui font un tel effet qu’il se sent pris d’une véritable fièvre.
Pour l’instant, il lui est totalement impossible de parler. Il lui échappe juste quelques sons inarticulés et sa bouche devient toujours plus béante à force de stupéfaction. Chaque fibre de son être s’enflamme pour cette beauté dont il ne peut supporter la vue.
13 Après un bon moment de cet embrasement dont l’intensité va croissant sans cesse, Martin crie enfin de toutes ses forces: « O Ciel, ô Ciel, ô Ciel! Si tu es malheureuse, toi l’être le plus exquis parmi tous les êtres qui puissent exister, si tu dois souffrir: qui pourrait bien être encore heureux après t’avoir vue et appris que tu souffres?
14 Si je ne puis te sauver, oh, alors je préfère être en proie aux tourments éternels plutôt que de vivre dans la félicité de tous les Cieux sans toi!
Je voudrais t’offrir quelque chose d’infini si je le possédais! Je donnerais mille vies pour un atome de ton être! O toi, la plus merveilleuse des créatures, parle, oh parle, que dois-je faire pour te sauver – et te faire mienne pour toujours? »
15 Le Dragon métamorphosé dit: « O toi, sublime Martin, si tu m’aimes comme tu l’affirmes, alors donne-moi un brûlant baiser! Ce baiser me sauvera pour l’éternité et ainsi je deviendrai ta compagne bien-aimée pour la vie éternelle! »
16 Martin, pris d’extase: « O Ciel suprême! Pas seulement un, mais un trillion de baisers! »
17 Immédiatement, Martin veut lui obéir et se précipite vers elle. Mais quelle n’est pas sa stupeur lorsque Satana le repousse avec mépris en criant:
18 (Satana) « Arrière, bouc dégoûtant, tu as échoué à l’épreuve et n’obtiendras aucune réponse de ma part! Indigne, comment pouvais-tu oublier Dieu et te jeter dans mes bras – moi, l’ennemi de toute vie qui n’est pas la mienne? O toi, faible créature, rejeton de toute laideur!»
19 Martin s’écroule en reculant et le Dragon reprend son ancienne forme. 352 EM CH117 EM.pdf (retour-du-christ.fr)
