1. Murel dit : « Je te remercie, ami et frère Philopold, pour la révélation que vient de me faire ton esprit profondément éveillé !
Dans sa grande sagesse, Salomon n’avait sans doute jamais imaginé une telle chose. Il est vrai qu’elle est si extraordinaire que tout homme doué de raison ne peut dès l’abord que la mettre en doute, parce qu’il n’y en a pas l’ombre d’un pressentiment dans notre entendement humain superficiel ; et pourtant, je ne peux désormais plus avoir le moindre doute à ce sujet.
Car tu n’aurais pu me conter toutes ces choses si elles n’étaient pas fondées sur ta propre expérience objective : jamais, depuis qu’il y a des hommes sur terre, un homme n’aurait pu imaginer cela, et tu n’aurais pu y songer toi-même si tu n’y avais été conduit par une expérience très claire.
Ce sont des choses que l’on n’invente pas, et il faut que ce soit une révélation parfaitement miraculeuse d’en haut, aussi l’admets-je comme aussi évidente que si je l’avais moi-même vécue.
2. Mais parle-moi encore un peu de ce monde des étoiles ; car je ne parviens toujours pas à imaginer comment ces minuscules points lumineux peuvent être des mondes ! »
3. Philopold dit : « Ah, cher ami, ce sera un peu difficile, parce que tu n’as encore aucune notion de ce monde-ci ni aucune représentation vraie de son apparence extérieure et de sa structure physique comparée à celle des autres mondes !
Il faut donc que je te dise d’abord à quoi ressemble cette terre et comment elle est faite, et il te sera plus facile ensuite de te faire une juste idée de ce que sont les autres mondes. »
4. Philopold décrivit alors toute la terre à Murel comme un distingué professeur de géographie, appuyant ses dires sur ce que Murel n’avait pu manquer de voir et de rencontrer lors de ses grands voyages. Il lui montra aussi pourquoi, en conséquence, le jour et la nuit devaient invariablement se succéder l’un à l’autre, et il lui expliqua aussi la lune avec sa nature, son éloignement et sa vocation, ainsi que les autres planètes qui dépendent de notre soleil.
5. C’est seulement lorsqu’il en eut terminé avec ces explications, qu’il rendit aussi claires et palpables que possible, qu’il passa aux étoiles fixes, poursuivant en ces termes :
6. « Tu viens de faire connaissance, autant qu’il est possible en un temps si bref, avec la nature de notre terre, de la lune, du soleil et des autres planètes qui l’entourent, et tu ne peux plus guère douter que les choses sont ainsi et ne sauraient en aucun cas être différentes ;
à présent, je puis te dire que tous les points lumineux, grands et petits, ne sont eux-mêmes rien d’autre que des mondes solaires d’une taille extraordinaire, certains incroyablement plus grands que ce soleil qui est le nôtre, et dont la taille, pourtant, pourrait te donner le vertige.
7. S’ils nous paraissent si petits, c’est à cause de leur prodigieux éloignement. Imagine l’énorme distance de notre terre au soleil prolongée quatre cent mille fois, et tu auras à peu près la distance de notre soleil à l’étoile fixe la plus proche.
Tu comprendras aisément par là pourquoi elles semblent si petites à nos yeux de chair, puisque notre soleil, pourtant assez grand pour contenir un million de fois notre terre, nous paraît déjà à peine aussi grand que la surface d’une main.
8. D’autres étoiles fixes, cependant encore visibles à nos yeux, sont si incommensurablement éloignées que nous n’avons pas de nombres pour désigner la distance qui nous en sépare.
Si tu as bien saisi cela, il te sera assurément très facile de concevoir que ces petits points lumineux peuvent fort bien être des mondes d’une taille prodigieuse, même s’ils n’apparaissent pas à nos yeux de chair pour ce qu’ils sont ! — As-tu bien compris tout cela ? »