1. Là-dessus, Raphaël s’avance et dit : « Je ne dors pas moi non plus, et pourtant, vous avez dit que tous dormaient à part vous ! »
2. Zahr dit : « Ami, que tu ne dormes pas et ne puisses d’ailleurs jamais dormir, cela est évident pour tout homme qui te connaît aussi bien que nous ! Aussi pouvais-tu fort bien te dispenser de cette remarque !
Vois-tu, cher ange, nous autres hommes sommes encore bien assez stupides par moments sans qu’il soit nécessaire que tu nous aides à le devenir davantage que nous ne le sommes par nature ;
mais par l’immensité de ta sagesse et de ton expérience, plus vieilles que l’univers même, tu peux certes nous instruire magnifiquement sur bien des sujets ! »
3. Raphaël dit : « Et qui suis-je donc pour n’avoir pas besoin de sommeil ? »
4. Zahr dit : « Mais, je t’en prie, céleste ami, ne nous parle et ne nous questionne pas si pompeusement ! Tu es un ange du Seigneur des cieux, qui ne t’a pourvu ici-bas d’un corps léger que par nécessité ! En un rien de temps, tu peux rejeter ce corps et l’anéantir !
5. Tu es un être bien différent de nous, qui sommes encore, selon le corps, des hommes mortels de cette terre. Tu n’es jamais né, hors du Seigneur, tu n’as jamais eu comme nous de père ni de mère pour t’engendrer.
Depuis des temps inconcevables, tu ne connais qu’une incommensurable félicité ; la douleur, la peine, le chagrin et le cruel repentir ne te sont connus que de nom,
mais non par l’expérience propre de ton être, aussi t’est-il tout à fait impossible de parler en toute vérité avec des hommes des choses humaines terrestres ; tu ne peux parler avec nous que de choses purement spirituelles, ce dont nous te serons d’ailleurs fort reconnaissants,
car c’est là naturellement tout à fait ton domaine ; mais tu ne peux parler des choses du corps, puisque jamais encore tu n’as souffert dans un corps ! »
6. Raphaël dit : « Tiens, tiens, tu sais donc tout cela ! Pourtant, quand bien même je n’aurais jamais vécu dans un corps, je saurais ce qu’est le corps et à quoi sert chacune de ses fibres mieux que tu ne pourrais l’apprendre en mille ans d’étude assidue !
7. N’est-ce pas nous, les anges, qui devons-nous occuper de tout ce qui concerne l’existence d’un homme depuis sa naissance jusqu’à sa séparation d’avec cette terre ?!
8. N’est-ce pas nous qui purifions vos âmes à travers les souffrances et les maux qui adviennent à votre chair, et qui les préparons à recevoir l’Esprit divin, et ne devons-nous donc pas savoir ce que sont vos souffrances et vos divers maux ?!
À quoi te sert-il donc d’avoir une raison pour penser, si tu peux me faire pareil reproche !?
9. Crois-m’en, nous les anges, nous ne sommes pas exempts non plus de peines et de souffrances !
Et, je te le dis, nous avons souvent plus de peines et de souffrances à endurer que vous, puisque nous ne voyons que trop les hommes entêtés fouler aux pieds grossièrement, avec dédain et en se moquant, tous nos immenses efforts, et ne cesser de nous tourner le dos.
10. Ami, aurais-tu autant de patience avec un homme sur lequel tout pouvoir te serait accordé, si, alors que tu le comblerais constamment des plus grands bienfaits, cet homme, en retour, te méprisait au-delà de toute mesure, ne voulait rien savoir de toi,
et de plus faisait tendre toutes ses pensées à se débarrasser de toi, son plus grand bienfaiteur et ami, et même, pour prix de tous tes soucis et de tes efforts pour son salut, à te nuire autant qu’il le pourrait, à te léser de ta bonne réputation et à te peindre comme un traître et un tourbe !?
Dis-moi ce que tu ferais à un tel homme, si tu étais par exemple un Cyrénius ! Aurais-tu vraiment la patience de ne traiter un tel coquin jusqu’à sa fin qu’avec indulgence, mesure et douceur ? »
11. À ce discours de l’ange, Zahr ouvre de grands yeux et dit : « Non, ami, jamais de ma vie je n’aurais une telle patience ! Même sans aucun pouvoir, je n’aurais pas cette patience, à plus forte raison si j’avais quelque pouvoir ! »
12. Raphaël dit : « Songe donc que ma force et mon pouvoir discrétionnaires sont si grands que je pourrais à moi seul détruire et anéantir complètement en moins d’un instant, avec tout ce qu’ils portent, toute cette terre, la lune, le soleil et tous les astres visibles à tes yeux, qui sont des corps célestes d’une taille énorme ;
et pourtant, de par ma libre volonté, j’ai toujours la même patience envers les hommes indociles de cette terre !
13. Pourtant, tout cela n’est encore rien et serait un mal aisément supportable ; mais songe à la conduite permanente de rébellion absolue de Satan et de ses anges, qui, étant eux-mêmes des êtres spirituels très puissants, nourrissent sans cesse le “louable” projet non seulement de nous perdre, nous, mais aussi Dieu Lui-même, et de Lui prendre tout Son pouvoir !
14. Pareille chose ne pourra bien sûr jamais arriver ! Mais c’est assez que ce méchant et indestructible projet existe, et qu’ils n’aient de cesse qu’ils ne l’aient mis à exécution, même s’il leur faut constamment endurer pour cela les plus grands tourments, qu’ils provoquent eux-mêmes par leur trop mauvais vouloir ;
mais dans l’ensemble, cela ne les a pourtant jamais conduits à renoncer définitivement à leur suprême méchanceté.
15. Ainsi, nous voyons tout cela et avons le pouvoir non seulement de les corriger d’importance, mais même de les anéantir totalement et pour toujours, et cela sans avoir à en répondre devant le Seigneur !
16. Et pourtant, nous traitons ces frères déchus en toute patience et en toute indulgence et agissons scrupuleusement de manière à ce que leur libre arbitre ne subisse jamais la moindre restriction ni la moindre limitation de notre fait ; nous prenons seulement grand soin d’empêcher que ses effets ne se propagent trop loin. Que ferais-tu donc, ami, en de telles circonstances ? »
17. Zahr dit : « Je taperais dans le tas comme un ours, et l’on verrait alors si ces esprits bestiaux ne m’obéiraient pas, surtout si j’avais à ma discrétion ta force et ta puissance ! » 18. Raphaël dit : « Tu dois donc bien comprendre à présent qu’être un ange de Dieu n’est pas chose aussi facile que tu l’imaginais, que je dois tout de même m’y entendre et m’y connaître un peu dans les choses proprement humaines, et que je puis donc aussi en parler avec vous ? ! »
19. Zahr dit : « Oh, oui, je ne le comprends que trop bien à présent ; mais dis-moi seulement une chose encore : es-tu ici par obligation, ou est-ce également par ta libre volonté ? »
20. Raphaël dit : « Oh, assurément, ma volonté parfaitement libre me permettrait de vous quitter à l’instant ; mais je veux rester avec vous, parce que cela plaît au Seigneur.
C’est le bon plaisir du Seigneur qui est à proprement parler ma volonté, et Dieu Lui-même ne saurait aller contre cette volonté ; car c’est là-dessus que repose le maintien de toute la Création, dont toutes les étoiles que tu vois, et qui te paraissent sans nombre, ne constituent pas même l’éonième partie, et encore bien moins la totalité infime et la substance même ! —
Mais le soleil est à présent tout près de son lever, et le Seigneur revient ; aussi s’agit-il maintenant d’être à nouveau pleinement attentif au moindre signe de Sa part ! » GEJ3 CH130 Chapitre premier (retour-du-christ.fr)
