1. Aziona, qui regarde le paisible Jean en ouvrant de grands yeux, dit alors : « Ah, ami, je t’estimais déjà considérablement, mais ce que je viens d’entendre de ta bouche est plus que mon cellier rempli de nourriture, et bien plus que cette eau pure changée en vin !
Car ce que tu m’as dit est vrai d’alpha à oméga ! Tu ne m’avais encore jamais vu ni parlé, et pourtant, tu sais tout ce que nous avons vécu, mes compagnons et moi, aussi bien que si tu l’avais vécu avec nous !
C’est beaucoup, et je commence à me sentir fort déconcerté. Je n’ai pas été surpris quand ton collègue qui a parlé tout à l’heure m’a appelé par mon nom, car c’est là une chose connue dans tout Césarée, d’où l’on a fort bien pu vous envoyer ici;
mais aucun d’entre nous n’a jamais raconté à quiconque les événements de ma vie, aussi n’as-tu pu les apprendre de qui que ce soit — et pourtant, tu en connais les moindres détails, oui, jusqu’à mes pensées et mes résolutions d’alors, jusqu’aux intentions secrètes dont je n’ai souvent rien dit même à mes compagnons ! Ami, c’est là une chose qui ne peut s’expliquer naturellement !
2. On dit certes qu’il y avait autrefois en Égypte des sages capables de lire dans les lignes de la main et sur le front d’un homme ce qu’il avait fait et ce qui l’attendait ; il existait aussi des “dormeurs du temple” qui, plongés dans une espèce de sommeil extatique, prophétisaient maintes choses déjà survenues ou qui surviendraient plus tard.
Mais de quels symboles mystiques ne s’entourait pas la révélation de tels oracles ! Il fallait d’autres sages pour expliquer au profane ces oracles inintelligibles, cela généralement d’une façon si astucieuse qu’après ces explications souvent fort cérémonieuses et dispendieuses, le questionneur savait très exactement ce qu’il n’avait jamais demandé, ou ce qu’il savait déjà depuis longtemps.
Mais toi, tu n’as eu besoin d’aucun dormeur du temple, ni de regarder les lignes de ma main, ni d’aucun verbiage mystique pour tout me dire sans détour !
Ah, je veux bien que l’on prophétise ainsi ! Mais il faut maintenant que je sache comment une chose pareille est possible !
C’est tout à fait inconcevable, à moins d’une force divine capable de tout voir et percevoir ! Se peut-il vraiment que l’on n’atteigne à cela que par une foi parfaite ?»
3. Jean dit : « Certainement, ami — mais, bien sûr, cela dépend beaucoup de ce que l’on croit ! Imagine que tu croies fermement à un mensonge qu’on t’aurait fait: tu auras beau n’avoir aucun doute, une telle foi ne produira rien, parce qu’on ne peut rien bâtir sur une chose sans fondement. »
4. Aziona dit : « Tout cela est fort logique ; mais quelle est la pierre de touche grâce à quoi je pourrai me convaincre pleinement que ce qu’on m’a donné à croire est parfaitement vrai ? »
5. Jean dit : « C’est un chapitre sur lequel nous avons déjà parlé ; mais, pour te donner une indication encore plus précise, sache que le Seigneur du ciel et de la terre a disposé dans le cœur de tout homme en quête de vérité quelque chose qu’on appelle le sentiment, et que ce sentiment reconnaît et appréhende la vérité bien plus rapidement que la raison la mieux formée.
6. C’est dans ce sentiment que réside l’amour de la vérité, qui, percevant celle-ci comme telle, lui communique bientôt sa chaleur de vie et la rend ainsi vivante.
Et quand la foi, qui est une vérité pénétrée d’amour, est devenue vivante, elle commence à s’agiter, à se mouvoir et finalement à agir. Et c’est cette action pleine d’assurance qui explique le plein succès de ce que l’on croit sans le moindre doute, non pas dans le cerveau, mais dans le cœur.
7. Dans le cerveau, l’âme dispose seulement des yeux, des oreilles, de l’odorat et du goût ; mais ces sens ne donnent naissance à aucune vie, n’étant eux-mêmes que des produits de la vie.
8. Ainsi, pour qu’une croyance agisse, il faut qu’elle ne fasse qu’une avec la vie même, et non, comme les yeux, les oreilles, le nez et le palais, qu’elle existe séparément comme un simple produit de la vie, sans lien plus profond avec elle que celui de son nécessaire usage extérieur.
Et quand ta foi dans une vérité ne fait plus qu’une avec ta vie, c’est qu’elle a déjà d’elle-même rejeté tous les doutes, et cette foi vivante n’a plus alors qu’à vouloir pour que sa volonté soit faite. » GEJ5 CH177 untitled (retour-du-christ.fr)

