1. Le Romain Marc répondit, et Agricola avec lui : « Seigneur et Maître, nous T’avons sans doute compris,
et nous voyons bien que c’est une condition indispensable, pour tout homme qui veut avoir la certitude véritable de pouvoir un jour entrer dans Ton royaume,
que de balayer loin de lui ce nuage de l’amour du monde qui s’interpose obstinément entre la vision de l’âme et le royaume de Dieu : mais il nous semble que c’est précisément là qu’il aura les plus grandes difficultés, et pour d’innombrables raisons.
2. Car enfin, pour un homme jeune, sain de corps et pourvu de tout ce qui est nécessaire pour vivre, la terre, avec l’infinie variété de ses agréments, offre un attrait d’autant plus grand
qu’un tel homme n’a souvent pas la moindre idée de la gloire d’un royaume de Dieu intérieur qui n’a pas commencé à germer en lui, idée que son éducation mondaine, si morale soit-elle, n’a d’ailleurs pas davantage pu lui donner.
3. Lorsqu’on dira à cet homme qu’il doit se détacher de toutes les beautés de la terre parce que cet amour terrestre lui cache la splendeur du royaume supérieur et éternel de Dieu et la dérobe aux regards de son âme, ne répondra-t-il pas : ”En ce cas, montrez-moi ces splendeurs, et je tournerai le dos à celles de cette terre !” ? Comment éloignerons-nous le brouillard mondain de cet homme, qui a finalement raison lui aussi à sa manière ?
4. Encore sont-ce là des hommes bons à la manière du monde, et à propos de qui nous pouvons nous dire qu’on n’abat pas un arbre d’un seul coup, fût-ce avec la hache la plus tranchante, et que le temps porte conseil !
Mais il y a l’immense foule de ceux qui dépendent totalement de leur position en ce monde : d’abord l’état de prêtre, puis celui de fonctionnaire avec ses nombreuses ramifications, et enfin l’état militaire, souvent très fruste encore. Dans toutes ces légions humaines, le nuage de l’amour du monde est pour la plupart une masse compacte et obscure. Comment le balayer ?
Et ne parlons même pas des serviteurs et des esclaves, qui sont des hommes aussi, mais ordinairement fort au-dessous de toute éducation au bien.
Avec la plupart des Juifs, ce travail préalable sera déjà bien difficile : que sera-ce donc avec les autres peuples de la terre ! Mais puisque cette tâche, si dure soit-elle, est pourtant essentielle, explique-nous encore un peu, nous T’en prions, Seigneur et Maître, comment nous devons nous y prendre pour ne pas travailler en vain. »
5. Je dis : « Mes chers amis, Je sais mieux que quiconque que cette tâche n’est pas 155 facile et vous coûtera beaucoup d’efforts et de grands sacrifices avant que n’apparaissent les résultats escomptés :
mais Je vous donne aussi les moyens et les expédients nécessaires pour que vous puissiez l’accomplir là où cela est possible, comme Je le fais Moi-même à présent avec vous – et Je ne peux vous donner plus que Je n’ai Moi-même !
Mon esprit vous fera voir clairement en vous-mêmes, en temps et en heure, ce que vous aurez à faire pour amener les gens à l’état nécessaire pour recevoir le royaume de Dieu.
6. Les gens prendront ainsi conscience de ce qui leur manque, et ils feront alors de grands efforts pour atteindre ce qu’ils auront perçu en vous. En cela, Je dis comme vous : EXEMPLA TRAHUNT (l’exemple entraîne).
Car lorsqu’un homme, en vous voyant, comprendra ce que c’est que posséder le royaume de Dieu, il viendra à coup sûr vous demander comment vous en êtes arrivés là.
Il vous sera alors facile de parler, et vos paroles et vos actes feront bientôt s’enfuir les brumes que vous savez, tout comme Mes paroles et Mes actes ont chassé les vôtres !
7. Cependant, Je ne vous demande certes pas d’aplanir toutes les montagnes et les collines en une année, ni même en un jour. Il suffit que chacun de vous fasse ce qu’il peut avec bonne volonté et bonne foi : pour le reste, J’y veillerai Moi-même.
Je ne vais certes pas vous demander davantage que Je ne puis en faire Moi-même compte tenu du libre arbitre des hommes !
Ne serait-ce pas folie, de la part d’un père vigoureux, que d’exiger de ses enfants encore faibles qu’ils portent des fardeaux plus lourds que ceux dont il se charge lui-même ? Je vous le dis, et vous en ferez l’expérience : le joug que J’ai posé sur vous est doux, et mon fardeau est léger.
8. Malgré tout, le monde répugnera à quitter sa fausse lumière, et, quand beaucoup auront déjà pleinement accueilli la lumière des cieux, il mènera de durs combats contre cette pure lumière des cieux, et beaucoup de sang innocent sera versé :
pourtant, le royaume de Dieu finira par triompher définitivement sur cette terre, et la fausse lumière du monde périra et perdra toute valeur, comme le faux or et le faux argent aux yeux du connaisseur.
9. Je n’ai certes jamais défendu aux hommes de prendre plaisir aux beautés qui parent la terre : mais ils doivent toujours garder au cœur la pensée de Celui qui a fait la terre si belle, et c’est ainsi que leurs sentiments seront édifiés.
Car celui qui porte un regard juste sur les œuvres de Dieu peut aussi y prendre un plaisir futile. Les amis de la belle nature terrestre sont assurément des hommes de bien qu’il est aisé de faire mûrir pour le royaume de Dieu.
10. Mais il est difficile d’amener à la lumière les amis des richesses terrestres mortes, les amis de Mammon. On le voit avec les Pharisiens, avec bien d’autres riches Juifs et avec les nombreux marchands, changeurs et usuriers.
Prêcher le royaume de Dieu à ces gens, c’est vouloir blanchir les Noirs. Les hommes de cette sorte sont pareils à des porcs : vous ne devez pas leur jeter en pâture les perles du ciel.
11. Car, après leur mort physique, les hommes de cette sorte devront d’abord laver leurs péchés mortels sur la Lune nue, et ils resteront toujours bien loin du royaume de Dieu : car il ne leur sera jamais permis d’entrer dans la nouvelle Jérusalem.
Les hommes qui n’ont en eux aucun amour de Dieu ni du prochain n’ont pas en eux le royaume de Dieu, et ils doivent donc rester dans l’obscurité de leur fausse lumière.
La Lune sera leur demeure, et seulement sur sa face immuablement et fixement tournée vers la matière de cette terre.
12. Ce que Je vous dis là est nouveau pour vous, mais c’est la vérité : nous en dirons peut-être encore quelques mots en une autre occasion, bien qu’il ne Me soit pas agréable de trop parler des porcheries et des maisons de fous de cette terre. – Avez-vous bien compris tout cela ? » 13. Tous Me rendirent grâce de cet enseignement et nous reprîmes place à table. Tandis que nous nous resservions de pain et de vin, Matthieu consigna plusieurs choses que J’avais dites. GEJ8 CH78 Chapitre premier (retour-du-christ.fr)

