Des cas justifiés de divorce

1. Cyrénius dit : « Je Te suis fort reconnaissant de cela ; car j’y vois à présent tout à fait clair sur une question où j’ai toujours trouvé fort difficile de prononcer des jugements équitables, et je crois qu’il ne devrait plus guère se présenter de cas où je sois dans le doute sur la manière de juger.

Une seule question se pose encore à moi, qui me paraît fort délicate : n’existe-t-il donc aucun cas où l’on doive dissoudre entièrement l’union déjà contractée en sorte que les parties séparées puissent s’unir à nouveau à une autre partie sans se rendre coupables du péché mortel qu’est l’adultère manifeste ? »

2. Je dis : « Oh, de tels cas existent assurément, par exemple : si un homme prenait une femme par ailleurs tout à fait bien pourvue de tous les attraits féminins, mais qu’il se révélât en la dévoilant que cette femme est un androgyne.

Dans ce cas, la dissolution de l’union contractée devrait être aussitôt effective, si elle était demandée ; car bien sûr, sans plaignant, il n’est pas de juge sur cette terre.

Cependant, il faudrait pour un tel cas édicter une loi selon laquelle une telle union serait tout à fait illégale, et la partie qui l’aurait conclue en se sachant inapte au mariage tenue de rendre raison de cette tromperie et soumise à des dommages et intérêts.

Ce qui a été dit pour la partie féminine est valable également si la partie masculine n’est pas tout à fait un homme. Si la femme le quitte et en épouse un autre, elle ne commet pas d’adultère.

3. Il peut également exister des hommes qui se sont castrés à cause du royaume de Dieu, ou qui ont été castrés dans leur jeunesse pour quelque raison de ce monde, et il y a aussi des eunuques de naissance ;

tous ceux-là sont tout à fait inaptes au mariage, et leur complète inaptitude suppose par avance la pleine dissolution du mariage.

4. Il peut également arriver que l’une ou l’autre des parties au mariage ait un défaut corporel ou une infirmité telle qu’il soit impossible à l’autre partie de la supporter, auquel cas l’union doit être là aussi pleinement dissoute —

mais uniquement si la partie concernée n’a pu prendre connaissance du défaut avant le mariage ; si elle contracté le mariage en connaissant ce défaut, le mariage est valable et ne peut être dissous !

Quant aux défauts qui autorisent la pleine dissolution d’une union déjà conclue, ce sont : la possession cachée de l’une ou l’autre partie,

ainsi que l’aliénation périodique, une lèpre cachée d’une espèce grave, des tumeurs malignes, la pouillerie, une phtisie incurable, l’épilepsie, l’apathie totale d’au moins deux sens, la paralysie et une odeur pestilentielle du corps ou de l’haleine.

5. Si la partie saine n’avait pas connaissance avant le mariage que l’autre partie était atteinte de l’une des infirmités énoncées, elle peut demander la dissolution de plein droit du mariage aussitôt après qu’il a été conclu, et cette dissolution devra lui être accordée.

Car dans ce cas, la partie saine a été trompée, et la tromperie dissout tous les contrats, donc également celui du mariage.

6. Mais si les époux ne veulent pas être séparés y compris selon la volonté de la partie saine, l’union doit être considérée comme valide et ne pourra plus être dissoute par la suite, hormis la séparation de corps et de biens ; car en cela s’applique votre principe : il n’y a pas d’injustice envers celui qui consent !

7. Hors de ces cas, il n’en reste à peu près aucun qui puisse être considéré comme une cause irrécusable de divorce.

8. Dans tous les autres cas de mariage difficile, les époux doivent se montrer patients l’un avec l’autre jusqu’à la mort ; car si le mariage a eu un goût de miel pour les jeunes époux, ils doivent aussi s’accommoder par la suite de son fiel.

 9. Le miel du mariage n’est d’ailleurs que la plus mauvaise part ; ce n’est qu’avec la part de fiel que commence l’or des rigueurs de la vie. Et celles-ci doivent toujours survenir ; car si elles ne venaient pas, les semailles du ciel seraient bien compromises.

10. C’est souvent dans les plus grandes rigueurs de la vie que le germe [de l’esprit] commence à s’animer et à grandir, alors que, si la vie n’était toujours que miel, il s’y engluerait comme une mouche qui se précipite avidement dans le pot de miel et y perd la vie à cause de la trop grande douceur du miel. — Y vois-tu tout à fait clair à présent ? » GEJ3 CH70 Chapitre premier (retour-du-christ.fr)

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