1. Cyrénius dit : « Oui, je comprends, hélas ! Car je vois bien peu de résultats ! Où en sont les hommes, et combien d’entre eux seraient seulement capables d’accepter et de comprendre un enseignement ? Et de ceux qui ont été enseignés combien ont la volonté suffisante pour mettre en pratique ce qu’ils ont appris ? Je parie que sur mille personnes il s’en trouvera dix à peine avec la volonté et le courage nécessaires, notamment dans les peuples superstitieux et fanatiques. Car à quoi leur servirait-il de mettre en pratique la doctrine de l’éternelle et claire vérité, si dès le lendemain l’égoïsme et le fanatisme viennent lamentablement les étrangler ?
2. Vous êtes bien les sages et puissants serviteurs du Très-Haut, mais avec ma vieille expérience d’homme d’État, je puis vous dire que cette doctrine réellement divine n’a aucun avenir si on n’exerce aucune contrainte sur personne. Pour le moins faudrait-il impitoyablement extirper le fanatisme et la superstition, si on ne veut pas éternellement avoir à en pâtir !
3. Nous croyons bien évidemment à la pure vérité qui nous a été révélée ici, mais ce ne fut pas sans contrainte ; et celle que vous exercez, vous et le Seigneur, avec votre façon d’être, n’est pas des moindres, et sans cette contrainte, d’ailleurs, il n’y aurait pas ici plus d’un millier d’auditeurs et d’adeptes. Et si cette contrainte n’a pas fait de nous des machines, comme ce serait à croire à ce que vous semblez dire, ce ne serait pas un mal de vouloir exercer une certaine contrainte sur l’homme qui veut devenir enfant de Dieu. »
4. Les anges disent : « Tu as raison d’une certaine manière, et certaines pressions extérieures ne seront pas délaissées. Mais tu en viendras à te convaincre que la contrainte extérieure est pire qu’une certaine contrainte intérieure qui est invisible, car Satan fait également usage de contraintes extérieures pour entretenir la superstition. Et si pour répandre la doctrine du ciel nous utilisions les moyens de Satan et marchions sur ses traces qu’aurions-nous par là à gagner pour le bien de l’humanité ?
5. La superstition va toujours de pair avec le feu et l’épée et son entrée dans le monde fait toujours verser le sang. Si la parole de Dieu emprunte la même voie, l’homme peut-il alors reconnaître le message de paix du ciel ? Ne devrait-il pas dire : « Dieu, ne Te suffit-il pas que l’humanité soit tourmentée par Satan à faire dresser les cheveux sur la tête, pour que Tu doives venir à nous par les mêmes voies que lui ? »
6. Vois, très cher ami et frère, comme il serait absurde que Dieu, pour répandre sa doctrine parmi les hommes en vue de leur félicité éternelle, se serve de moyens utilisés par l’enfer qui propose toujours des fruits empoisonnés !
7. Oui, les temps viendront où la doctrine du Seigneur sera souillée au point d’être prêchée aux peuples par l’épée et le feu ! Mais ce sera pour le plus grand malheur des hommes ! Comprends-tu ? »
8. Cyrénius répond : « Malheureusement, je comprends, et je demande alors pourquoi les cieux ne pourraient nous garder de tels maux, et pourquoi en ce monde toutes les portes sont ouvertes au mal ! »
9. Les deux anges disent : « Très cher ami et frère, si tu es quelque peu sage, tu comprendras que le pour et le contre ne vont jamais l’un sans l’autre ! A-t-on jamais vu quelqu’un devenir un héros sans combattre ? Y aurait-il jamais eu de combat sur cette terre s’il ne s’y était trouvé que des brebis pieuses ? Où pourrais-tu éprouver ta force si tu ne trouvais jamais d’obstacle pour t’y mesurer ? Y a-t-il montée sans qu’il y ait descente, et peux-tu faire le bien si personne n’a besoin de ton aide ? Que serait une bonne œuvre si elle n’était nécessaire à personne ? Peux-tu enseigner celui qui a l’omniscience ?
10. Vois-tu, dans un monde où l’homme doit devenir par ses propres moyens un véritable enfant de Dieu, il faut que toutes les bonnes et les mauvaises occasions lui soient offertes d’exercer pleinement l’enseignement de Dieu !
11. Il faut qu’il fasse chaud et qu’il fasse froid pour que le riche ait l’occasion de vêtir le pauvre son frère ! Qu’il y ait des pauvres pour que les riches puissent s’exercer à pratiquer la charité et que les pauvres apprennent la reconnaissance, qu’il y ait des forts et des faibles pour que les forts aient l’occasion de prendre les faibles sous leur protection et que les faibles reconnaissent leur faiblesse dans l’humilité de leur cœur ! Il faut aussi en quelque sorte qu’il y ait des sots et des sages, sinon les lumières des sages leurs seraient vaines
12. S’il n’y a pas de méchants, où l’homme bon peut-il mesurer sa bonté ?
13. Bref, à cette école où l’homme se forme lui-même, le pour et le contre en toute chose est nécessaire pour que les libres enfants de Dieu puissent pleinement s’exercer, sinon il leur serait impossible de devenir les véritables enfants tout-puissants du Très-Haut.
14. Nous te le disons, l’homme n’est pas enfant de Dieu tant qu’il ne parvient pas à chasser Satan du champ de bataille par ses propres forces dans toutes sortes de circonstances. Et comment deviendrait-il vainqueur de cet adversaire si toutes les occasions de se frotter à l’ennemi lui étaient ôtées ? Oui, le royaume de Dieu s’acquiert par un véritable combat, à cause de la liberté de la vie éternelle. Il faut donc que l’occasion vous soit offerte de participer au combat entre le ciel et l’enfer. » GEJ2 C59