1. Jean dit : « Oui, c’est bien ce que tu as fait, mais plus tard ; car au début tu pensais seulement comme je t’ai dit ! Mais en prétendant n’avoir usé des fillettes qu’avec douceur, tu en a grossièrement menti une fois de plus !
Une seule a été un peu moins maltraitée par toi, à savoir la dernière, car ta lascivité ne te permettait plus alors les plus vils abus ; quant aux quatre premières, loin de les épargner, tu en as abusé de la manière la plus affreuse ! Peux-tu le nier ? —
Vois, tu te tais et tu trembles !
Les fillettes ont contracté là-dessus une dangereuse lèpre qui a certes hâté leur mort ; mais de cela aussi, ta luxure était la vraie et unique responsable ! Cependant, finissons-en sur ce chapitre et passons à un autre. 2. Bien sûr, ce que tu as encore sur la conscience est une chose où ta volonté n’est pas davantage intervenue ; mais le fait est là, ainsi que ses conséquences !
Aussi l’homme ne devrait-il jamais agir dans la colère ; car à la suite des actes commis dans la colère se glissent leurs conséquences néfastes, comme l’ombre marche sur les talons de l’homme. Te souviens-tu de ce que tu fis à ta mère Agla, qui était une personne très sensée, le jour où, par ses exhortations, elle chercha à te détourner de ta vie de débauche et de tes infâmes compagnons?»
3. Zorel dit : « Ô dieux ! J’en ai encore le vague souvenir, comme sorti d’un rêve ; mais je ne peux rien en dire de plus ! Parle donc, puisque tu as commencé à le faire !
Tout ce que je sais, c’est que je n’ai jamais rien fait de méchant avec une mauvaise intention préconçue ; mais pour ce qui est de succomber à la colère, je ne peux pas plus m’en défendre que le tigre d’être une bête féroce et assoiffée de sang ! —
Parle donc à présent ! »
4. Jean dit : « Nous reviendrons là-dessus plus tard ; ce jour-là, cependant, tu as saisi une marmite qui se trouvait sur un banc et l’as lancée de toute ta force à la tête de ta mère, qui en est restée assommée sur le sol.
Mais toi, au lieu de venir aussitôt au secours de ta bonne mère, tu as pris les deux livres d’or que nous savons et t’es enfui à bord d’un bateau de pirates, que tu as accompagnés dans leur joli travail pendant quelques années, te faisant également à cette occasion marchand d’esclaves.
Cependant, ta mère mourut peu après, en partie des suites de sa grave blessure au crâne, en partie du chagrin de te savoir incorrigible.
C’est ainsi qu’entre bien d’autres péchés tu as aussi sur la conscience le meurtre de ta mère, et, pour couronner tous tes méfaits, tu portes avec toi la malédiction de ton père ainsi que de tes frères et sœurs ! —
Tu es maintenant tout à fait dévoilé ; qu’as-tu à répondre à tout cela, en tant qu’homme de raison pure ? »
5. Zorel dit : « Que puis-je répondre ? Ce qui est fait est fait et ne peut plus être défait ! Je vois bien à présent tout ce qu’il y avait de coupable dans mes anciennes actions ; mais à quoi bon savoir tout cela ?
C’est exactement comme si tu voulais faire d’un tigre un homme plein d’intelligence, capable de voir rétrospectivement les atrocités sanglantes qu’il a commises : à quoi cela lui servirait-il ?
S’il pouvait défaire ce qui est arrivé, il se donnerait sans doute tout le mal possible pour cela ; mais que pouvait-il, dans sa condition de tigre, contre le fait qu’il fût un tigre et non un agneau ?!
C’est pourquoi le remords d’une infamie et la meilleure volonté pour la réparer entièrement sont aussi vains qu’il est peine perdue de vouloir rendre au présent un jour passé. Je peux certes devenir dès à présent un homme différent et meilleur ;
mais où j’ai été un méchant homme, il m’est désormais impossible de me faire meilleur que je ne l’ai été.
Devrais -je donc verser d’amères larmes de douleur sur ces nombreux méfaits que j’ai commis ? Mais ce serait aussi ridicule que si un tigre devenu homme voulait verser d’amères larmes de repentir parce qu’il fut naguère un tigre ! » GEJ4 CH69 GEJ4.pdf (retour-du-christ.fr)
