1. Après un bref instant, Jean dit à Zorel : « Je ne peux nier que ton raisonnement a posé plus d’une question, et ce non sans motif, assurément ; mais il s’applique bien mal, voire pas du tout, à ta propre vie, car ton âme a toujours été en elle-même assez évoluée pour savoir distinguer le vrai du faux.
Mais une âme qui, comme la tienne, sait faire cela avec tant de sagacité peut aussi distinguer le bien du mal,
et si elle le peut, elle pèche donc contre sa propre connaissance et sa propre conscience ; et qui pèche contre sa connaissance et sa conscience ne peut se purifier de la saleté de ses anciens péchés et devenir agréable à Dieu que par un vrai repentir et une vraie pénitence.
2. Tu veux et tu dois devenir un homme meilleur ! Et si tu veux cela, tu dois aussi reconnaître que tu étais bien responsable de toutes tes mauvaises actions ;
et si tu l’étais, il ne tient également qu’à toi de comprendre qu’il n’est pas juste de rejeter la faute sur un autre, et que tu dois au contraire la reconnaître comme entièrement tienne et en éprouver un vrai repentir, puisque, sachant à maints égards fort bien reconnaître le vrai et le bien, tu t’es pourtant décidé en faveur de leur opposé dans l’action.
3. Oui, s’il n’y avait pas eu en toi la moindre notion de ce qu’est la pure vérité, donc le bien, et qu’au contraire tu eusses croupi dans une noire superstition motivée par ton domaine d’existence,
tes actions — si mauvaises fussent-elles par elles-mêmes devant le tribunal de la raison la plus pure qui soit — ne pourraient t’être comptées comme fautives ; tu n’aurais pas davantage péché que ton tigre ou ton rocher devenu homme,
et nul ne serait en droit de te dire : “Corrige-toi, repens-toi de tes méfaits et fais une juste pénitence, afin de te rendre agréable au vrai Dieu !”
4. Avant de le faire, on devrait alors t’instruire en détail de tout ce qu’est la vérité, te montrer le droit chemin et t’y guider pendant un temps !
Et si un homme à qui l’on aurait parfaitement enseigné cette vérité retombait dans ses anciennes erreurs et agissait aussi mal qu’auparavant, c’est alors seulement qu’il pécherait,
parce qu’il agirait contre sa ferme conviction et déclencherait de grands troubles dans sa conscience. Les images que tu as employées ne sont donc valables que pour des hommes qui, à l’instar des bêtes, n’ont encore jamais connu aucune vérité ;
mais tu n’es pas un profane en ce qui concerne la vérité authentique ; au contraire, tu sais la reconnaître presque aussi bien que moi, et ce depuis longtemps déjà. D’ailleurs, ta conscience t’a toujours reproché tes mauvaises actions ;
mais tu ne lui prêtais que peu d’attention et cherchais à la faire taire par toutes sortes de fausses bonnes raisons. De même, tu as toujours éprouvé du remords à chaque fois que tu avais commis une mauvaise action à l’encontre de ce que tu savais et de ta conscience ; mais jusqu’à présent, tu n’es jamais allé jusqu’à faire pénitence et vouloir t’améliorer.
5. Cependant, c’est pour cette raison que Dieu le Seigneur t’a laissé tomber aujourd’hui dans une si grande misère.
Tu n’as plus rien ; même ton ancien associé dans le commerce d’esclaves t’a laissé choir et se trouve à présent en Europe, où il mange son substantiel bénéfice. Maintenant, tu es nu et tu cherches de l’aide.
Et tu la recevras ; mais auparavant, tu dois t’en rendre digne, c’est-à-dire que tu dois de ton propre chef décider de ne pratiquer désormais dans ta vie que le vrai et le bien. C’est alors que tu seras véritablement secouru, en ce monde et pour l’éternité.
6. Mais si tu persistes à agir selon ce que tu sais aussi bien que moi être faux et mauvais, tu resteras misérable ta vie durant, et ce qu’il adviendra de toi dans l’autre monde,
car il existe une vie véritable après la mort du corps, ta propre raison pure peut le conclure aisément si tu songes que la vie d’ici-bas est la semence dont la vie éternelle de l’au-delà est le fruit.
7. Si, dans le jardin qu’est ta vie, tu plantes dans le sol une bonne et précieuse semence, tu récolteras aussi de précieux fruits ; mais si tu sèmes des chardons et des ronces dans le sol de ce jardin, tu ne récolteras dans l’au-delà que ce que tu auras semé !
Car tu sais très bien que les tiges des chardons ne donnent pas de figues et les ronces pas de raisins !
8. Tu vois que je ne t’ai pas jugé, mais je n’ai fait que te montrer comment tu devais agir par la suite, et je n’ai pas eu envers toi de dures paroles et t’ai parlé d’un ton doux ! Suis ce que je t’ai dit, et, sur ma vie, je te donne ma parole d’ami que tu n’auras éternellement jamais à t’en repentir ! » GEJ4 CH72 GEJ4.pdf (retour-du-christ.fr)
