1. Jaïrus dit : « Oui, oui, puissant Cyrénius, tu as parfaitement raison de dire de toi-même que tu y vois clair à présent, car moi aussi, comme sans doute chacun d’entre-nous, je peux voir l’éternelle nécessité, fondée sur la vérité la plus incontestable, selon laquelle tout cela se constitue, et comment l’homme doit se constituer. Mais qu’y faire ?
L’humanité est tombée bien bas, elle ne comprend pas un enseignement qui comporte douceur et liberté, et – pour parler net- ce serait peine perdue d’y consacrer du temps, les chardons et les épines en seraient les seuls fruits ! La douceur n’a aucun effet du moins sur ces Juifs que je connais bien !
2. Il est doublement néfaste d’enseigner le peuple par des miracles : d’une part, le miracle force l’homme à croire, le prive de sa liberté et l’empêche de reconnaître par lui-même la vérité de la parole annoncée ; sans aucune conviction personnelle,
l’homme se met à croire parce que, devant la puissance du miracle, il est saisi par la peur de la punition qu’il a cru percevoir dans cette parole.
Mais que quelque habile parleur vienne et le persuade de l’inexistence du miracle, il dira joyeusement adieu à cette parole, à cette croyance.
D’autre part, le miracle qui souligne un enseignement ne subsiste pas en lui-même, il ne passe aux générations suivantes qu’à travers des récits, et le miracle raconté n’a plus le même effet que le miracle vécu. Il n’est alors et ne peut plus être qu’un conte pour enfants !
3. Et si l’on faisait perdurer un miracle, ou si l’on donnait à tous les maîtres enseignés dans cette vérité le moyen de pouvoir toujours en faire, le miracle n’aurait plus, pour la raison humaine, qu’un aspect habituel de manifestation naturelle de la vie et perdrait toute fonction de preuve de la puissance de Dieu.
4. Tout ce qui nous environne journellement, ce que nous entendons, voyons, sentons, goûtons, n’est-ce pas miracle sur miracle ?
Mais comme tout cela est durable et demeure toujours dans la même ordonnance, le caractère miraculeux des choses n’y est plus apparent et il ne force plus notre croyance.
Seuls quelques savants étudient scientifiquement les phénomènes. Ils collent leur oreille à la terre et se donnent une peine infinie pour entendre pousser l’herbe !
Et comme malgré toute leur peine, ils n’arrivent finalement pas à savoir comment l’herbe pousse, ils prennent des mines entendues et font comme s’ils le savaient !
Mais comme ils ne peuvent pas faire pousser l’herbe, ils enseignent de vieux tours de magie pour épater les aveugles et faire rire ceux qui savent comme eux berner les aveugles !
5. Il est donc certain que les miracles n’ont au fond que peu de valeur, voire le plus souvent pas du tout, pour rendre les hommes meilleurs. Ils éveillent la curiosité des badauds, mais ils ne détachent pas les liens qui enchaînent les cœurs !
Les badauds ne changent pas, ils restent ce qu’ils étaient et se demandent toujours aussi stupidement comment cet homme a pu faire ce miracle, et ceux qui sont encore plus bêtes croient voir le diable !
6. Si le domaine du miraculeux donne si peu de bons résultats, si la contrainte des lois est si néfaste et si cinq hommes à peine, sur mille, retirent quelque chose d’un enseignement libre, je crois être en droit de Te poser à nouveau cette question : que doit faire le maître ?
Le miracle est funeste et la loi trop rigide est tout aussi funeste ! L’homme a rarement la faculté de comprendre vraiment le libre enseignement de la profonde sagesse divine !
Comment sortir de ce dilemme ? Comment faire passer son navire dans les eaux de Charybde et de Scylla sans échouer sur l’un ou l’autre de ces rochers ? » GEJ2 CH *GEJ2.pdf (retour-du-christ.fr)
