Zorel critique la morale et l’éducation

1. Zorel dit : « Tes paroles me semblent vraiment amicales, bonnes et douces, et je suis convaincu que tu parles selon ton cœur et que la chose peut se faire ; mais je me demande bien quelle est cette doctrine que je dois adopter et à la lumière de laquelle je reconnaîtrais comme complètement faux ce que je considère aujourd’hui comme la plus grande vérité !

Deux et deux ensemble font quatre, c’est une vérité mathématique contre laquelle tous les cieux ne peuvent rien, et aucune autre doctrine ne peut infliger un démenti à cette vérité éternelle !

Si je n’étais qu’un imbécile superstitieux capable d’accepter que deux et deux additionnés puissent faire sept, il est certain qu’il me serait possible de changer mes convictions ; mais avec ce que je sais déjà, cela m’est parfaitement impossible !

2. Qu’il doive exister quelque force originelle éternelle et intelligente de laquelle sont issus au moins les germes originels, ou pour le moins leurs premiers principes, la raison la plus logique ne peut le nier ; car pour qu’il y ait le deux, il faut d’abord qu’il y ait eu le un.

Mais quel ridicule et quelle stupidité de la part de ces hommes sots et aveugles qui s’imaginent cette force originelle — qui doit pourtant être distribuée et répandue également dans tout l’infini éternel, pour que son action fondamentale se fasse sentir également dans tout l’infini — sous une forme quelconque, et surtout une forme humaine, voire parfois bestiale !

3. Si les Juifs s’en étaient tenus à leur doctrine première, c’étaient encore eux qui avaient la conception la plus raisonnable d’une force originelle universelle, qu’ils appelaient “Yahvé” ; car on dit dans leur religion : “Tu ne dois te représenter Dieu sous aucune forme, et encore moins en sculpter l’image !”

Mais ils se sont éloignés de cela, et à présent, leurs synagogues et leurs temples sont remplis d’images et d’ornements, ils croient les choses les plus ineptes, et leurs prêtres punissent tout adepte qui ne veut pas croire à ce qu’ils enseignent.

Ils se disent les serviteurs de Dieu et se font rendre pour cela les honneurs les plus extravagants ; mais ce faisant, ils tourmentent la pauvre humanité par tous les moyens qu’ils peuvent imaginer. Dans de telles conditions, devrais-je me faire Juif ? Non, jamais de la vie !

4. On dit bien qu’ils ont reçu leurs lois de Dieu en personne, qui les leur a données 103 sur le mont Sinaï par l’intermédiaire de leur fondateur Moïse.

Et il est vrai que ces lois seraient par elles-mêmes très bonnes, si chacun en faisait une régie de vie obligatoire ; mais à quoi bon interdire formellement le vol et le mensonge aux pauvres gens, si soi-même, assis sur le trône du seigneur, on ne perd pas une occasion de voler et de dépouiller ses sujets réduits en esclavage et qu’on les trompe de toutes les façons possibles sans le moindre scrupule, en dépit de la loi divine ?

Dis-moi donc sous quel jour un vrai penseur doit considérer une telle loi et ceux qui la protègent !

5. Si un pauvre diable, poussé par la nécessité, prend de quoi satisfaire ses besoins les plus urgents là où il trouve un superflu, on lui en demande compte avec la plus grande rigueur et il est aussitôt très sévèrement puni ;

mais le protecteur de la loi qui vole, assassine et trompe chaque jour et en toute occasion est au-dessus de la loi, ne la respecte en rien et ne croit lui-même à rien, sinon aux grandes exigences de son intérêt en ce monde !

Peut-on vraiment nommer divine une institution qui entre dans une contradiction si flagrante avec les exigences pourtant bien modestes de la pauvre humanité ?!

Quelle raison tant soit peu logique peut bien approuver cela ?!

6. Si je suis assuré qu’il me sera agréable qu’on me fasse telle chose, je dois bien penser aussi qu’il ne sera pas désagréable à mon voisin que je lui fasse telle autre chose dont je suis certain qu’il la juge bonne et agréable !

Si je suis dans la misère et la pauvreté jusqu’au cou et que, n’ayant pas de quoi me procurer les choses les plus indispensables, je vais quémander et mendier, mais qu’en mendiant je ne reçoive rien de personne, et que je finisse par prendre moi-même ce dont j’ai besoin — une loi peut-elle me condamner pour cela ?

N’ai -je donc pas le droit de m’emparer de ce dont j’ai le plus grand besoin, puisque nos ancêtres eux-mêmes n’ont assurément commis aucun péché en s’emparant de pays entiers ?!

7. Bien sûr, si je me mettais à voler constamment par dégoût du travail, la raison ne pourrait se sentir offensée si on m’en demandait compte ;

mais quand, dans le seul cas de la plus extrême nécessité, je m’empare d’une manière plus ou moins illégale de quelque objet qui m’est très nécessaire, aucun dieu ne peut ni ne doit m’en demander compte —

et encore moins un homme égoïste et faible qui, à plus d’un titre, commet plus d’injustices en un jour que moi en un an !

Je ne tiendrai certes pas de propos injurieux contre la nécessité d’une loi divine qui protège la propriété ; mais, dans sa rigueur indifférenciée, elle ne rend pas l’humanité meilleure et plus humaine, mais au contraire plus dure et sans cœur !

8. De même, les lois qui préservent la morale et les bonnes mœurs sont fort grossièrement ébauchées, sans aucune considération pour la nature, l’âge et la force des gens.

Il suffit de penser aux conditions auxquelles l’être humain — qu’il soit homme ou femme — est exposé ! Souvent il n’a aucune sorte d’éducation, souvent aussi celle qu’il a est pire que de ne pas en avoir !

Ce qu’il mange et boit est souvent fait pour lui échauffer le sang ; souvent aussi, il trouve aisément l’occasion de satisfaire ses puissants instincts, et il le fait. Mais que l’histoire se sache, et, comme pécheur, il est puni sans le moindre égard, parce qu’il a enfreint une… loi divine.

9. Ô fous que vous êtes avec vos lois divines ! Pourquoi donc n’avez-vous pas promulgué d’abord une loi préalable selon laquelle une vraie et très bonne éducation devrait être assurée avant toute chose, après quoi seulement vous auriez regardé s’il fallait encore quelque autre loi ?

N’est-ce pas une bêtise à peine croyable de la part d’un jardinier que de vouloir mettre des arbres en espalier, s’il commence seulement à les courber à toute force quand les arbres sont devenus, après bien des années, grands, durs et rigides ? Pourquoi ce stupide jardinier n’a-til pas entrepris de ployer ses arbres à un moment où ils se seraient laissé faire très facilement et sans aucun risque ?

Qu’un dieu, ou même un homme par la bouche duquel s’exprimerait la divinité, pourvoie d’abord à une éducation sage et adaptée aux mœurs de la nature humaine, et qu’il ne donne qu’ensuite des lois sages, si l’homme ainsi éduqué au mieux en a encore besoin !

10. Ô ami Zinka, toi qui es juif, tu dois connaître ta doctrine mieux que moi ; mais pour ce que, incidemment, je sais d’elle, je ne peux t’en dire autre chose que ce que je viens de dire, et tu verras par là que, même pour être pourvu par le grand Cyrénius, je ne peux absolument pas renoncer à mes principes qui reposent sur la raison pure et sur les lois mathématiques.

Dans de telles conditions d’échange, je refuse toute assistance, si mirifique soit-elle, et je préfère prendre le bâton du mendiant et passer ainsi le restant de mes misérables jours sur cette terre ; ce que la nature fera ensuite de moi, cela sera parfaitement égal à un mort retourné au bon vieux néant ! —

Dis-moi maintenant, Zinka, si tu penses que j’ai raison ou tort ! »

11. Zinka dit : « Ami et frère Zorel, tout au fond, je ne peux te donner entièrement tort : mais je dois pourtant te faire remarquer qu’il existe d’autres choses très singulières dont tu ne peux encore avoir aucune idée.

Lorsque tu auras percé le mystère, tu verras par toi-même ce qu’il y a de vrai et de bon dans les principes que tu viens d’affirmer. »

12. Zorel dit : « Très bien, très bien ; mais si tu as vraiment une meilleure idée, fais-moi tes objections, et je suis prêt à te répondre ! »

13. Zinka dit : « Cela ne nous servirait pas à grand-chose à l’un comme à l’autre ; adresse-toi plutôt à cet homme dont tu disais qu’il te semblait si bien le connaître !

Celui-là fera vraiment la lumière en toi, et tu commenceras à voir très clairement ce qu’il y a de vrai et de faux dans tes affirmations. »

14. Zorel dit : « Fort bien, je vais le faire, car je ne le crains pas ; mais avec moi, il aura affaire à forte partie ! » GEJ4 CH60  GEJ4.pdf (retour-du-christ.fr)

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